(CZ) Innovation pédagogique et démocratisation de l’école : un rapport pour le moins problématique
(EN) Does Pedagogical Innovation Contribute to the Tackling of Inequality in Schools?
Autor / Author: Rochex, J.-Y.
Klíčová slova / Key words: inégalités scolaires, sociologie de l'éducation, classes sociales, inégalités sexuées, difficultés d'apprentissage, effets de contexte, enquêtes statistiques
school inequalities, sociology of education, social classes, gender inequalities, learning difficulties, context influence, surveys
L’injonction de mettre en œuvre des pratiques ou méthodes pédagogiques « actives », voire de mettre l’enfant ou l’élève « au centre » du système éducatif, et d’aller dans le sens d’une « différenciation » de plus en plus grande de la pédagogie ou des parcours scolaires, fait aujourd’hui partie, en France, comme ailleurs, d’une sorte de lieu commun ou de doxa institutionnelle, pédagogique et idéologique. Cette thématique ne s’alimente pas seulement d’une vulgate très édulcorée de travaux ou d’auteurs relevant du champ de la psychologie. Elle apparaît également comme une réponse aux travaux de sociologie critique des années 1960–1970, et particulièrement à ceux de Bourdieu en France ou de Bernstein en Grande-Bretagne, et à leur thèse selon laquelle « l’indifférence aux différences » du système éducatif serait l’un des processus essentiels par lesquels s’accomplit sa fonction de reproduction des inégalités sociales et de la domination culturelle. Mais innovation ou différenciation vont-elles toujours dans le sens de la démocratisation de l’accès au savoir et à la réussite scolaire ?
Rien n’est moins sûr. Ce texte s’attachera donc d’abord à critiquer l’enfermement du débat socio-pédagogique dans une opposition convenue entre partisans de l’innovation ou de la tradition, son usage discutable de notions telles que celle d’activité ou d’auteurs comme Vygotski, mais aussi l’alliance entre conceptions naturalistes ou individualistes de l’enfance et idéologies néo-libérales en matière de politiques éducatives. Il s’attachera ensuite à résumer un courant de recherche qui montre que l’on peut voir coexister, dans l’ordinaire des classes, tout à la fois des modes renouvelés ou récurrents d’« indifférence aux différences » et des modalités d’adaptation aux différences (réelles ou supposées) entre élèves et des logiques d’« individualisation », qui sont bien loin d’aller dans le sens de la réduction des inégalités d’apprentissage, mais aboutissent au contraire à entériner et renforcer ces inégalités en différenciant les tâches, les apprentissages et les univers de savoirs que peuvent réaliser, construire et fréquenter les différents types d’élèves. Loin de plaider pour le statu quo concernant les modes d’organisation et de fonctionnement du système éducatif et les pratiques de ses professionnels, l’auteur plaide pour ne pas séparer, comme le font aujourd’hui trop souvent les politiques et dispositifs visant à lutter contre l’« échec » ou les inégalités scolaires, la réflexion pédagogique et la critique sociologique. Faute de quoi le risque serait grand de penser la démocratisation de l’école sur le seul mode du rapport à l’école et au savoir des enfants et familles de classes moyennes, et d’aller ainsi à l’encontre des objectifs poursuivis.
Annotation:
French institutional and pedagogical discourses strongly encourage the differentiation or individualisation of pedagogy and the curriculum and promote “active learning”, a pedagogy of discovery, or a “constructivist” pedagogy. These injunctions appear as the consequences of the lack of available theoretical psychological resources. They are also often presented as an answer to sociological works such as those of Bourdieu in France or Bernstein in the UK about inequality and social domination in schools.
But does pedagogical innovation or individualisation always or usually contribute to the reduction of social or gender inequalities in school ? Nothing is less sure.
Therefore, this paper aims first to criticise the confinement of pedagogical debates to the trivial opposition between innovation and tradition and the dubious use of terms such as activity or theorists such as Vygotsky, but also the suspicious alliance between individualistic or even naturalistic conceptions of childhood and development and neo-liberal ideologies in education policies.
Second, we try to present some research results which show that daily teaching activities may both ignore and underestimate the differences between pupils or/and try to take account of differences but do so in a way that cannot contribute to the reduction of the social gap in education but can only lead to the reproduction of or, most probably, to an increase in social inequality in schools because they lead pupils to cope with very different kinds of tasks, knowledge, and learning opportunities.
We conclude that we should not separate pedagogical thought and sociological questions and results, as policymakers and the educational media all too often do. If not, we run the great risk of thinking of the democratisation of school on the model of the relationship of the middle classes to the school and knowledge and of failing to achieve our goals.
Článek ke stažení v češtině [PDF]:
Download the article in English [PDF]:
Literatura / References: